Chaque année depuis plus de 10 ans, un équipage composé d’étudiant·es et de doctorant·es de l’UCLouvain décolle pour Mars ! C’est plus exactement dans le désert de l’Utah, aux Etats-Unis, qu’ils et elles se rendent pour intégrer la Mars Desert Research Station, une base de simulation martienne. Le Dr Julie Manon , candidate spécialiste en orthopédie raconte comment elle a appris à réduire une fracture du tibia sur Mars.
Le commandant Cyril Wain et son équipage, quatre hommes et quatre femmes, ont mené des recherches dans différents domaines dont celui de la santé (une étude sur l’hypnose pour améliorer le sommeil des astronautes, la microbiologie....). L’une d’elle était ciblée sur le traitement des fractures des astronautes avec aux commandes la Dr Julie Manon (FNRS Aspirante, PhD student, MACCS in Orthopaedic and Trauma Surgery) des cliniques universitaires Saint-Luc. « J'ai commencé mon assistanat de chirurgie orthopédique à Saint-Luc et suis en thèse de doctorat pour 4 ans. Il me restera deux ans pour finaliser mon diplôme de chirurgie »
Pour cette mission de deux semaines, elle a travaillé sur la mise au point d’un dispositif pour traiter les fractures sur place et sans avoir recours à un chirurgien. Notamment si un astronaute subit un traumatisme suite à une sortie extravéhiculaire... « « Si un astronaute se casse une jambe sur la planète Mars, il faut le soigner sur place. Mon objectif est donc de mettre au point un kit de soins pour intervenir sur une fracture. Un ancien médecin-doctorant de Saint-Luc avait développé un fixateur externe que l’on pouvait utiliser dans les milieux hostiles ou les pays en voie de développement. Je suis repartie de cette idée pour développer le projet pour l’espace. C’est indispensable puisque les astronautes en apesanteur sont confrontés à une importante déminéralisation osseuse qui fragilise les os.»
Intervention en scaphandre
Comme chaque mission sur Mars ne pourra pas compter en son sein un chirurgien, chaque membre de l’équipage doit pouvoir agir rapidement : « L’idée a été , à partir de ce fixateur, d’entraîner des astronautes qui ne proviennent pas du milieu médical, d’apprendre à intervenir pour réduire une fracture sur un collègue en mission sur Mars. Ils se sont entraînés à stabiliser les fractures du tibia les plus courantes sur des membres artificiels”
Les 6 autres membres de l’équipage ont donc réduit des fractures pendant deux semaines: « Je leur ai appris à intervenir avec des concepts rapides sur les fractures, des repères anatomiques pour éviter les artères, les tendons, les nerfs, les muscles pour poser les broches. Je leur ai fait une démo pratique. Après, ils avaient droit à quatre essais pour arriver à un résultat le plus proche de celui d’un chirurgien. Nous avons créé trois groupes de deux suivant leurs compétences de base. Les 6 personnes avaient l’opportunité de pratiquer l’opération dans trois conditions différentes: dans les conditions standards, dans le cadre d’une sortie extravéhiculaire (en scaphandre avec des gants), et dans un moment inattendu, je les ai réveillé pour qu’ils pratiquent la fixation en urgence... »
Capable de stabiliser le patient
En deux semaines, loin du reste du monde, le bilan est positif : « On voit que tout le monde peut y arriver et qu’ils s’améliorent à chaque essai. Cela est rassurant dans le cadre de la préparation d’une mission où nous aurions des mois pour nous préparer. »
Évidemment, comme souvent avec les expériences dans l’espace, cela pourrait avoir un impact sur le quotidien d’autres médecins sur terre : « Au niveau de la chirurgie, cela ouvre des nouvelles portes pour mettre en place une chirurgie d’urgence pour les pays en voie de développement, dans la marine, la médecine de guerre, en spéléo ou même certaines situations pour des urgentistes qui se trouveraient très loin des hôpitaux. »
Elle espère à terme « créer un kit portable pour les fractures, comme il y a les kits de défibrillateurs cardiaques. »